dimanche 1 novembre 2009

Elle et lui

Elle avait tout laissé derrière. Emploi, amis, parents, fric. Il fallait revenir en arrière, reculer dans les strates du temps pour aller se débarrasser du gisement de cauchemar qui lui polluait l’âme.
Elle avait repris le chemin du feu. Elle en avait marre de se réveiller au plus creux de la nuit sans se rappeler de quoi que ce soit sinon que d’une seule chose : le gris de l’après-midi, le halètement de son souffle, les coups de pelle, la moiteur de la terre et la hâte d’en finir avec lui.
Elle ne marcha pas longtemps sur les sentiers qui s’égaraient de l’autoroute. Le chemin s’était imprimé en elle; elle le fit par réflexe.
La clôture avait été mâchouillée par les intempéries. Le terrain n’était plus qu’une ridicule clairière au creux d’un bois maintenant anonyme. Des lierres desséchés recouvraient les murs du manoir comme les varices recouvrent un myocarde mort. Elle arpenta le sentier de briques qui faisait le tour de la maison. Elle croisa la statue du faune décapité, toujours debout au centre de sa fontaine tarie. Pas une fois elle n’osa regarder aux fenêtres. Quelque chose grouillait dans l’herbe haute. Serrant les poings, elle pénétra dans l’arrière court. Tout était exactement comme cela fut au terme de l’horrible mois d’août qu’elle avait traversé ici, il y a déjà trop longtemps. Tout était exactement comme cela fut, à l'exception d'un petit détail. Les pierres de l’impluvium avaient bougé. La fosse baillait, grande et surtout, vide. Même la bouche pleine de terre, il avait réussi à s’évader. Elle frémit et tout son monde se lézarda.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire